Les entrepreneurs payeront davantage lors de l'achat de biens immobiliers vers l'aperçu des news

Les entrepreneurs qui achètent des biens immobiliers en partie via leur société doivent s’attendre à payer beaucoup plus.

Dans le milieu des entrepreneurs, la technique est courante depuis de nombreuses années: un entrepreneur jette son dévolu sur une villa ou un appartement pour y installer sa société. Il opte ensuite pour un achat scindé. Dans ce scénario, l’entrepreneur personne physique achète la nue-propriété du bien, tandis que sa société achète l’usufruit pour une période de 20 ou 30 ans. Dans ce cas, la société est dispensée du paiement d’un loyer pendant toute la durée de l’usufruit.

Ce système, fiscalement très intéressant, se pratique depuis des années. Prenons l’exemple d’une villa qui coûte 600.000 euros. La société paie 85% du montant pour l’usufruit, c’est-à-dire 510.000 euros. Pour la nue-propriété, l’entrepreneur ne paie donc que 15%, soit 90.000 euros. Si l’usufruit s’éteint après 20 ans, l’entrepreneur acquiert la pleine propriété de la villa, sans devoir débourser le moindre euro supplémentaire.

Pour déterminer la valeur de l’usufruit, les comptables utilisent la méthode Ruysseveldt, une formule (incomplète) qui a été détournée de l’objectif premier de son inventeur éponyme. Cette formule est d’ailleurs remise en question depuis des années, parce qu’avec les taux bas des obligations souveraines à long terme, la valeur de l’usufruit est très souvent surestimée. Comme dans notre exemple. Ce qui conduit à des excès. C’est pourquoi le Service des décisions anticipées (ruling) a proposé une autre formule, plus stricte, pour les dossiers qui lui ont été soumis à partir de 2016.

Aujourd’hui, l’administration fiscale applique la formule du ruling pour évaluer tous les achats scindés. "Dans plusieurs dossiers individuels, les entrepreneurs concernés sont aujourd’hui contrôlés sur la base des critères, plus stricts, appliqués par la Commission des décisions anticipées", explique l’avocat fiscaliste Robin Messiaen (SherpaLaw). Le SPF Finances confirme: "Des instructions ont en effet été données en interne afin que tous les contrôleurs appliquent la formule utilisée par le ruling", explique Francis Adyns, porte-parole du SPF Finances.

Un changement qui pourrait coûter cher

Cette mesure pourrait coûter très cher à certains entrepreneurs. "Des sondages montrent que la surévaluation pathologique de l’usufruit sur la base de la méthode Ruysseveldt fait aujourd’hui place dans de nombreux cas à une sous-évaluation de l’usufruit. C’est le retour du balancier, poursuit Robin Messiaen. Avec la formule de la Commission des décisions anticipées, l’usufruit est estimé à un peu moins de 60% de la valeur d’achat, pour un peu plus de 40% pour la nue-propriété." Pour l’entrepreneur personne physique, cela fait une sacrée différence. Si nous reprenons notre exemple, cela signifie que l’entrepreneur devra mettre sur la table 240.000 euros (40% de 600.000 euros) au lieu de 90.000 euros pour la nue-propriété.

Bart Van Coile, vice-président de l’Institut des experts-comptables et des conseillers fiscaux, considère que la formule du Service du ruling fait un peu trop pencher la balance en faveur du fisc.
"On s’attend à ce que de nombreux entrepreneurs doivent mettre la main à la poche pour rectifier la situation."

"S’y ajoute le fait que la formule du ruling est appliquée par les contrôleurs fiscaux sur les achats scindés qui ont eu lieu alors que la méthode Ruysseveldt était encore admise par l’administration, poursuit Robin Messiaen. On ne sait pas encore si les contrôleurs se montreront tolérants. "Mais on s’attend à ce que de nombreux entrepreneurs doivent mettre la main à la poche pour rectifier la situation", poursuit l’avocat selon lequel, on dénombre aujourd’hui entre 70.000 à 100.000 cas d’achats scindés dans notre pays.

Bart Van Coile souligne que les entrepreneurs qui, dans le passé, ont tenté de minimiser exagérément leurs impôts sont les plus exposés. Un bon comptable veille en effet à ce que ses clients ne se comportent pas de manière insensée. "Je pense qu’il ne devrait y avoir aucun problème tant que la valeur de l’usufruit ne dépasse pas la valeur locative du bien pendant la période concernée", conclut Bart Van Coile.

Source: l'Echo

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